Interview réalisé le 16 décembre 2004

Publié le par Romain B.

The lord : Comment se fait-il qu'il s'est écoulé plus de quatre ans entre les sorties de Mother Earth et de The Silent Force?

 

Sharon Den Adel (chant) : Il s'est écoulé un peu moins de quatre ans puisque Mother Earth est sorti en décembre 2000 et The Silent Force en novembre 2004! Après la sortie de Mother Earth, nous avons tourné pendant toute l'année 2001 pour promouvoir l'album. Nous avons principalement joué au Bénélux car nous avions tous un travail à côté du groupe. Par conséquent, nous n'avions pas énormément d'opportunités pour tourner puisque nous n'avions pas la possibilité de prendre beaucoup de jours de congés; nous jouions donc principalement durant les week-ends. A l'époque Within Temptation était plus un gros hobby qu'un travail à plein temps. Ensuite en 2002 avec le succès inattendu de la chanson Ice Queen, nous avons reçu des demandes pour jouer dans des festivals comme le Ozzfest, le Dynamo ou encore le Lowlands.

Cette même année, notre contrat avec notre maison de disques s'est terminé et nous avons signé avec Gun Records. Ils nous ont suggéré de ressortir Mother Earth dans le reste de l'Europe ainsi que de faire de la promotion pour essayer de nouer le contact avec de nouveaux fans. De cette façon, nous avons pu donner de nouveaux concerts en Europe avec notre groupe préféré, Paradise Lost (rires). Nous avons participé à de nombreux festivals en Allemange et ailleurs. En septembre 2003, nous nous sommes tous dits qu'il s'était écoulé trop de temps depuis la sortie de Mother Earth et qu'il fallait impérativement écrire un nouvel album. Six à sept jours par semaine, nous nous sommes mis à composer pendant neuf mois. L'enregistrement a quant à lui pris trois mois.

Nous ne pensions pas qu'il nous faudrait autant de temps pour enregistrement The Silent Force. Mais il s'agissait d'une entreprise dont nous ne mesurions pas bien la taille au départ. Par exemple, nous avons réalisé à nos dépens que l'orchestre symphonique n'était pas toujours bien dans le ton. Cela est dû au grand nombre d'instruments utilisés qui sont parfois difficiles à combiner avec la basse et les guitares que nous avions enregistrées avant d'en venir à l'orchestre et à la chorale. Au final, nous avons tout réenregistré ce qui nous a pris un temps fou et a contribué au fait que le disque sorte quelque peu en retard. Mais nous n'avions pas l'expérience d'une telle production...

 

The lord : Mais en fin de compte cela valait le coup d'attendre...

 

Sharon Den Adel : (rires) Oui, je le pense aussi!

 

The lord : Musicalement, qu'avez-vous exploré avec The Silent Force?

 

Sharon Den Adel : Je pense qu'avec le succès de Mother Erath, nous avons pu faire l'album que nous voulions vraiment réaliser avec un grand orchestre et une chorale de qualité. Nous voulions faire un album grandiloquent qui explore l'univers de la musique de films. Nous avons bénéficié de tout le temps nécessaire pour réaliser le meilleur album possible à ce niveau-là. Ainsi, je pense qu'à l'instar de n'importe quel musicien qui aurait vécu la même chose que nous sommes sortis grandis de cette expérience.

 

The lord : Within Temptation est un groupe qui vient plus ou moins de la scène gothique. Ce genre de musique développe habituellement une imagerie très sombre avec des textes tristes et mélancoliques. Néanmoins, les vôtres sont résolumment optimistes, presque candides. Est-ce une démarche voulue?

 

Sharon Den Adel : Tout d'abord, nous ne pensons jamais au style de musique que nous pratiquons. Notre musique est une combinaison de tout ce que nous aimons; cela peut aller du metal à des choses plus atmosphériques comme Dead Can Dance. Within Temptation est la résultante de toutes ces influences que nous adorons. A chaque fois que nous sortons un album, les gens nous qualifient différemment. En effet, au début nous étions du "doom metal", quelques années après du "fantasy metal" et maintenant du "gothic metal". Dans quelques années je pense que l'on nous donnera encore un autre nom; tout le monde a du mal à nous qualifier. En effet, il y a beaucoup de sonorités qui s'entremèlent dans Within Temptation puisque ce n'est pas totalement du metal, c'est aussi du rock, du classique etc. Comment synthétiser tout cela en un seul nom? Avec chaque album, nous changeons un peu et avec The Silent Force nous dévions un peu plus vers la musique de films.

Quant aux textes, nous n'essayons pas de faire passer un message mais plutôt notre vision des choses. Nous n'imposons pas aux gens un point de vue; nous préférons leur raconter une histoire et qu'ils y réfléchissent d'eux-mêmes. Maintenant, je sais que tout le monde ne s'intéresse pas à nos textes. Nous incorporons nos émotions dans les paroles et nous laissons les gens interpréter nos textes comme ils le souhaitent car ces derniers sont relativement ouverts. Ainsi, on peut facilement s'identifier et mettre des éléments de sa propre vie dans nos textes qui inciteront à la réflexion. Peut-être qu'ils pourront y trouver des réponses à leurs questions existentielles (rires). Qui sait? C'est philosophique dans un sens. D'ailleurs nos paroles sont souvent inspirées de livres philosophiques ou d'événements réels.

 

The lord : Très bien. Changeons de sujet. Au cas où tu ne sois pas au courant, entre la sortie de vos deux derniers albums, il y a un groupe qui est apparu qui a eu un succès monstrueux. Il s'agit bien entendu d'Evanescence. En les voyant éclore as-tu eu l'impression que Within Temptation n'était pas là où il fallait au bon moment?

 

Sharon Den Adel : Si tu veux mon avis, Evanescence est un très bon groupe. Ils sont peut-être un peu plus doux que nous mais ils sont bons. Je ne vis pas leur succès comme une déception car nous continuons à faire notre musique et je crois que nous devons nous concentrer là-dessus, sur ce que nous ressentons. Je souhaite le meilleur à n'importe quel groupe qui débute. Evanescence écrit de la bonne musique donc ça ne me dérange pas qu'ils soient devenus si immenses commercialement.

 

The lord : De tous les morceaux de The Silent Force, Stand My Ground est celui qui ressemble le plus à Evanescence. Est-ce une sorte de provocation de votre part de le sortir en single et ainsi rappeller à tout le monde que c'est bien vous qui avez initié cette nouvelle mode?

 

Sharon Den Adel : Nous avons toujours joué ce genre de chansons. Les autres groupes sont différents de ce que l'on est, tout comme nous sommes différents d'eux. Nous n'avons rien à voir avec Nightwish ou n'importe quel autre groupe de metal à chanteuse. Nous avons notre propre style et notre manière de faire. Le seul fait que le compositeur soit différent d'un groupe à l'autre suffit à les différencier pusique chacun a sa propre façon de transmettre les émotions par le biais de son écriture. Certes, notre son est plutôt moderne que par le passé mais c'est une évolution naturelle pour nous. Nous n'avons jamais été et nous ne serons jamais un groupe de néo alors qu'Evanescence l'est, en quelque sorte. Je pense que les gens qui nous comparent à eux soit ne connaissent que ces deux groupes, soit ne savent pas que nous avons un passé musical déjà chargé. Les gens qui nous suivent depuis l'underground savent que nous existons depuis longtemps et peuvent sentir notre évolution. De toute manière comme je l'ai dit toute à l'heure, nous devons nous concentrer sur ce que nous faisons, sur nos forces sans nous soucier de facteurs externes.

 

The lord : Avec le succès que vous rencontrez, les médias auront toutefois vite fait de généraliser à outrance sans se soucier du fait que ce soit vrai ou non. Il se pourrait donc que vous traîniez cette réputation pendant longtemps...

 

Sharon Den Adel : Oui, c'est vrai. Mais je pense que si le succès devient vraiment important, les gens iront par eux-mêmes écouter nos anciens albums et la différence avec Evanescence parlera d'elle-même. Ils verront que nous avons creusé notre propre trace.

 

The lord : Même si ta carrière est encore relativement courte, penses-tu avoir atteint les objectifs que tu t'étais fixée en tant qu'artiste?

 

Sharon Den Adel : Oui, nous les avons déjà dépassés. Nous sommes devenus populaires alors que nous ne voulions que faire de la musique à côté de notre travail. En Hollande, il est très mal vu d'être musicien. Quand on dit aux gens que l'on est musicien, ils demandent systématiquement ce que l'on fait en plus. Nous sommes donc extrêmement fiers d'avoir réalisé tout ceci.
C'est encore une différence qui nous sépare de groupes venant des Etats-Unis ou de Suède; la musique est davantage ancrée dans leurs cultures et ils peuvent se donner les moyens de réussir car on les prend au sérieux. En Hollande il n'y a pas d'infrastructures pour aider les jeunes groupes qui font de la musique. Evidemment il y a des groupes underground mais il est impossible de rester indéfiniment dans l'underground. On ne peut pas en vivre.

 

The lord : A ce propos, es-tu encore intéressé par les groupes underground, et plus particulièrement ceux de Hollande?

 

Sharon Den Adel : Oui, je m'y intéresse mais pas spécialement à ce qui se fait en Hollande. J'aime toujours ce que fait Paradise Lost et également des groupes underground dans le mainstream (ndlr: huh?!) comme Rammstein. Sur scène, ils sont extraordinaires. Le fait qu'un groupe vienne de l'underground n'est pas important, si j'aime leur musique c'est tout ce qui compte. Muse est également un gros groupe mais que j'adore. Ils sont fantastiques.

 

The lord : Depuis que vous connaissez un succès grandissant, est-ce que vous sentez davantage de pression sur vos épaules qu'à vos tout débuts?

 

Sharon Den Adel : Bien sûr, car lorsque l'on sort son premier album, personne ne connaît le groupe et il y a le bénéfice du doute qui rentre en compte qui joue en sa faveur. A notre stade, tout le monde a un avis sur nous et si nous ne réussissons pas à faire un bon album, les gens se moqueront de savoir qu'il s'agit de Within Temptation. J'ai vraiment ressenti cela. Pour notre premier album, il fallait se battre pour que les journalistes acceptent de parler de nous. Maintenant ce n'est plus trop notre problème et nous en sommes reconnaissants.
C'est pour cela que le fait de venir de l'underground nous fait apprécier ce que nous vivons actuellement. Maintenant nous avons des articles dans des magazines qui n'osaient même pas nous parler il y a quelques années (rires). A l'époque de Mother Earth, il commençait déjà à y avoir un buzz autour de nous car pour un groupe non-professionnel nous faisions de bonnes choses. Mais il y a avait des critiques négatives qui ont pu nous faire souffrir. En effet, nous mettions tant de passion dans notre musique queje trouvais cela injuste. Maintenant, nous sommes blindés!

 

The lord : The Silent Force a-t-il réçu beaucoup de mauvaises chroniques?

 

Sharon Den Adel : 90e très positives, le reste étant l'oeuvre de ceux qui n'aimaient pas. Au début, ça fait mal de lire de mauvaises critiques mais quand on voit que le grosse majorité apprécie énormément ça fait plaisir. Toutefois, il ne faut pas prendre les mauvaises critiques à la légère. Elles peuvent avoir raison. Quand nous faisons un album, tout ce dont nous sommes sûrs est que nous l'aimons. Lorsque d'autres personnes partagent votre point de vue, ça soulage (rires). Le seul truc qui m'irrite est lorsque je lis des articles faits par des gens qui de toute évidence n'aime pas le style de musique que nous jouons. Il faut être un minimum réceptif au départ. Détruire la musique en ne la comprenant pas ne sert à rien.

 

The lord : Depuis le début de la carrière de Within Temptation, tu as toujours été mise en avant (couvertures d'albums ou de singles, photos dans les magazines, principalement interlocutrice avec la presse etc). Ne penses-tu pas que cela puisse nuire à votre image de groupe en réduisant l'attention dont font preuve les gens à votre égard à ta seule apparence physique (comment tu es habillée, maquillée etc) et non à que vous jouez?

 

Sharon Den Adel : Bien sûr, c'est fort possible. Mais je pense que les gens qui se retrouvent dans cette description ne doivent pas être très intéressés par notre musique. En revanche, ceux qui achètent nos disques et qui viennent à nos concerts aiment forcément notre musique. Je ne peux pas me l'imaginer autrement. Il y aura toujours une sorte de sélection naturelle. Evidemment il y a toujours des gens qui viendront dire que la chanteuse de Within Temptation est belle et que c'est tout ce qu'elle sait faire (rires). Il y aura toujours ce type de réactions par rapport à une fille dans un groupe.

 

The lord : Au moins tu peux jouer sur les deux plans: être belle et bien chanter (note de -the lord: et puis merde, quoi, vous auriez dit la même chose à ma place!).

 

Sharon Den Adel : (rires) J'espère simplement que les gens nous jugeront sur la musique et rien que là-dessus. Il est vrai que je suis un peu déçue de me voir souvent seule dans les photos des magazines d'autant plus que ces derniers temps le reste du groupe donne de plus en plus d'interviews et que nous faisons notre maximum pour nous montrer en public tous ensemble. Avec la reconnaissance, nous pouvons faire davantage de pression pour que le groupe entier apparaisse sur les CDs et les magazines mais tout cela ne dépend pas uniquement de nous.

 

The lord : Avez-vous l'impression d'avoir déjà fait un mauvais choix à un moment de votre carrière qui a entraîné de fâcheuses conséquences pour la suite?

 

Sharon Den Adel : Non, nous respectons toutes les décisions que nous avons pu prendre par le passé. Heureusement d'ailleurs car si nous avons fait ces choix, c'est qu'il y avait de bonnes raisons. Si je crois en ce que je fais il est impossible que je fasse le mauvais choix. Même si d'une certaine façon un choix implique de mauvaises conséquences, je fais toujours ce en quoi je crois profondément.

 

The lord : Depuis Mother Earth, Within Temptation a tendance à sortir singles, albums, vinyles, DVDs dans de multiples formats différents. Ne trouves-tu pas qu'il un peu dur financièrement d'être fan du groupe?

 

Sharon Den Adel : Il ne faut acheter que ce que vous jugez intéressant! Ce qui nous pousse à faire plusieurs singles différents, par exemple, est la demande variable selon les pays. La plupart du temps tout se recoupe -même les pochettes- donc je serais la première à ne pas tout acheter. Maintenant, il est vrai qu'au sein d'un même pays nous déclinons un single ou un album sous plusieurs formats. Cela est simplement lié au fait que les fans ne veulent pas tous la même chose. Ainsi, ils n'ont que l'embarras du choix. Si nous ne sortions qu'une version collector de l'album, il y aurait plein de gens qui reclameraient une version moins chère, donc nous avons pris les devant en proposant trois versions distinctes. De toute manière, quoiqu'on fasse il y aura toujours des gens pour se plaindre (rires). Mais ce n'est vraiment pas la peine de tout acheter!

 

The lord : Enfin, dernière actualité vous concernant: le concert en première partie d'Iron Maiden au Parc Des Princes!

 

Sharon Den Adel : Oui, c'est plutôt cool, n'est-ce pas? Les gars du groupe sont encore plus excités que moi car Iron Maiden est une formation qu'ils connaissent depuis leur enfance. Robert Westerholt (ndlr: guitariste du groupe) est même devenu musicien car il adorait Iron Maiden et Marillion.

 

The lord : N'avez-vous pas un peu peur de jouer dans un stade de foot (rires)?

 

Sharon Den Adel : Oui (rires). Mais nous l'avons déjà fait il y a quelques années en ouverture de Rammstein chez nous en Hollande. Mais le Parc Des Princes est encore plus grand donc ce sera encore plus stressant! Nous ferons de notre mieux et nous espérons que les gens nous aimeront.

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